Nous avons croisé le rappeur le jour où le clip de « Pièces détachées » est sorti. Interview avant sa première venue solo à Nyon.
Gringe arrive dans le backstage du club ou il donne un concert le soir même. Veste en jeans, tache de rousseurs et regard franc cependant presque comme constamment émus. C’est qu’« Enfant Lune », son premier disque solo, contraste avec les punchlines qu’il a longtemps distillées avec Orelsan son pote des Casseurs Flowters. Un disque introspectif, presque thérapeutique sur lequel il chante en plus de rapper. Comme sur « Pièces détachées », morceau émouvant dont le clip sortait le jour même de cette entrevue et dont il dira : « Je voulais que l’on se concentre sur la relation père fils, alors que je raconte comment cette relation impacte aussi ma vie amoureuse. Je voulais aussi ne pas trop y figurer car le texte est déjà tellement personnel que je ne trouvais pas nécessaire que l’on voie trop ma tête ». Une imagerie léchée, qui prend du recul pour l’artiste de 39 ans qui admet « avoir mis du temps à mûrir » mais qui se réjouit aujourd’hui et s’amuse en riant de nous confier « avoir monstre hâte comme vous dites ici » de jouer en festivals. Interview sous la vidéo!
La notion d’absence est très présente sur « Enfant lune ». Maintenant qu’il est sorti, digéré, est-ce que l’on peut dire que ça aide aussi à se sentir vivant ?
Oui bien sûr. Comme tous les états un peu noirs dans lesquels on aime se maintenir. La mélancolie m’aide à écrire, après le vice, c’est de s’installer là-dedans et de ne plus en sortir. C’est un jeu dangereux.
Et d’avoir dévoilé tous ces ressentis, c’était instinctif ou réfléchis ?
Sur certains c’est réfléchi et sur d’autres, c’est plus intuitif. On a des morceaux plus légers comme « Konichiwa » ou « On danse pas » qui sont des puzzles de l’état d’esprit du moment. Je ne voulais pas non plus faire un album totalement anxiogène et n’avoir que des thèmes personnels.
Le disque est si introspectif, qu’il n’est pas simple à envisager en termes de scène. Comment vous avez fait ?
Je m’étais dit au départ que c’était indéfendable sur scène. Je ne voyais pas trop comment j’allais pouvoir y aller ! Et grâce à Pone, le DJ qui m’accompagne, c’est devenu plus clair parce qu’en deux semaines il avait fait des édits de tous les titres pour les adapter à la scène. Ensuite le scénographe Jérémie Lippmann a réfléchi à une vraie mise en scène à partir de là et il a créé des tableaux et un univers sans le rendre indigeste. C’est même carrément interactif.
Vous avez fait de petites scènes jusqu’ici avec cet album et là, arrivent les festivals… Comment vous abordez ça ?
C’est vertigineux, ça me fait flipper de ouf ! À la fois, avoir réussi à transposer cet album à la scène, quand ça reste des scènes plus confidentielles, je trouve ça mortel, et de l’autre côté jouer devant des 10 – 15 000 personnes, devoir trier les morceaux, ne gardez que les plus nerveux, réfléchir à soigner la mise en scène : c’est excitant et ça met le doute en même temps.
Votre meilleur souvenir en festival ?
C’était en Bretagne à Landerneau. Il y avait une marée humaine de 25 000 personnes et on était au climax des Casseurs Flowters avec Orelsan. Tout le long ils ont chanté, c’était dingue on aurait dit 25 000 hooligans dans un stade de foot, et puis les Bretons avec la ferveur qu’on leur connaît ! Je crois que c’est mon plus beau souvenir de scène.
Et en tant que spectateur ?
C’est Prince. J’ai 10-12 ans et c’est ma tante qui m’amène au Zenith à l’époque de « Cream ». Il avait avec lui ses jumelles danseuses, il arrivait dans une guitare géante, il dansait en talon, c’était ouf ! C’est mon premier vrai souvenir de concert et c’est le plus fou.
Ce qui est aussi fou, c’est que vous bossez déjà sur le 2e album !
Oui, je commence à assembler des choses. J’ai surtout envie de rapper à nouveau, de repartir dans l’esprit des Casseurs Flowters, parce que là, c’était trop perso. Sur scène je prends du plaisir, mais ce sont des pierres que je pose et là j’ai envie de transiter vers quelque chose de plus joyeux. Ces deux dernières années, j’ai décoffré quelque chose de très intime et j’ai envie de m’en affranchir.
Avec les Casseurs Flowters justement, les textes sont plus incisifs, humoristiques. Sur votre disque solo, c’est plus lettré, profond. Vous aimez la littérature ?
Oui, je ne suis pas forcément un gros lecteur, j’ai mes classiques à moi. Mais je crois que ma littérature, c’est le cinéma. J’ai une culture cinématographique beaucoup plus grande que littéraire et c’est ça qui nourrit à la fois mon imaginaire et mon vocabulaire. Ça m’enrichit énormément et cela me permet de mettre mes réflexions en mots.
Pour terminer, quel est le livre qui vous a forgé ?
« Le vin de la jeunesse » de John Fante.
Le film qui vous a forgé ?
« Dune » de David Lynch.
L’album qui vous a forgé ?
« Dangerous » de Michael Jackson.

Gringe au Paléo Festival Nyon
dimanche 28 juillet
Mise en vente mercredi 3 avril à midi